Chapitre 3 : La sociabilité paroissiale — Ensemble Paroissial Saint-Joseph en Velay

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Chapitre 3 : La sociabilité paroissiale

 

 

I- Les confréries



Après le traumatisme de la Révolution, l’Eglise catholique s’emploie à reconstituer le réseau d’associations volontaires à finalité religieuse. On peut distinguer les confréries de pure dévotion (Saint-Sacrement, Rosaire, Scapulaire, ...) des confréries unissant à la dévotion une fonction sociale plus large.
 


A- Favoriser la dévotion : les confréries du

Rosaire, du Scapulaire, du Saint-Sacrement ...

Héritées du Moyen-âge, les associations traditionnelles, « qu’elles soient pieuses charitables ou même professionnelles, étaient avant tout de forme religieuse». Le terme utilisé sous l’Ancien Régime pour désigner un groupement de laïcs à caractère religieux était celui de confrérie.  Ces associations cultivent une forte volonté d’autonomie ; l’indépendance de leur fonctionnement et la possession d’un patrimoine en sont les indices.

"La confrérie de l’Adoration perpétuelle de Saint-Sacrement » est établie à Sainte Sigolène en 1806. Si les femmes sont les plus nombreuses à assister aux vêpres et aux exercices du cycle liturgique, elles sont aussi les plus nombreuses dans les confréries. Pour Gérard CHORY, « le poids des traditions fait que la piété est, généralement parlant, une affaire de femmes.» La liste des associés à l’Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement atteste ce phénomène puisque la gente féminine y est largement majoritaire. Avide de dévotion, les femmes font évoluer la religion vers plus de sentimentalisme. Avec le développement du culte eucharistique, s’opère le passage d’un Dieu redoutable, présenté comme tel dans les missions, à un Dieu d’amour qui a donné sa vie pour les hommes.
Tout au long de l’année les membres se rendent à l’église paroissiale pour adorer le Saint-Sacrement. Un calendrier est mis en place par la confrérie. Face à chaque grande fête liturgique et aux dimanches est porté le nom d’un associé. Pour l’Epiphanie, Louise GIRAUD et Jeanne-Marie CHAZALI doivent se rendre à l’église de 9h à 10h pour accomplir le devoir de dévotion. D’après le calendrier institué par la confrérie, on s’aperçoit que les cérémonies importantes de la vie paroissiale, les temps de l’Avent et du Carême ainsi que les fêtes de Sainte Sigolène et de Saint Barthélémy sont plébiscitées. En novembre 1906, l’Echo paroissial montre que l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement « a eu son cachet de piété habituel » :

« Le grand autel orné de lumières et de fleurs avait sa parure des jours de fête. La fête a commencé par une communion d’enfants, de jeunes filles et de jeunes femmes, bien édifiante. Enfants du catéchisme et écoles, adorateurs et adoratrices sont venus tour à tour nombreux aux pieds de Notre-Seigneur (...). Le prédicateur a su trouver des accents touchants pour montrer en Jésus Eucharistie le véritable ami des hommes. »

Après la Révolution, les confréries du rosaire et du scapulaire se reconstituent. « Pour favoriser la piété des fidèles, le curé MENUT établit dans son église, le 22 juillet 1824, les confréries du Rosaire et du Scapulaire. » Ces confréries ont pour objectif de grouper les chrétiens dans la prière. Dès sa création au XVI ème siècle, la dévotion préconisée par la confrérie du Rosaire se destinait vers le culte marial, l’enseignement et la contemplation des mystères. Elle s’oriente au fil des siècles vers des activités mieux régies par le clergé paroissial, la confession et la communion. En 1826, Pauline JARICOT fonde le « Rosaire vivant » qui permet de constituer une chaîne de prières, et ainsi de redécouvrir la prière communautaire.

Pour entretenir ces diverses dévotions, le fidèle est motivé par le gain des indulgences. L’indulgence est une réduction plénière ou partielle de la peine temporelle, à bien distinguer de la rémission des péchés accordée par le prêtre lors de la confession. L’absolution permet d’effacer la faute aux yeux de Dieu, et ainsi, de gagner le salut éternel. Seule l’autorité diocésaine est habilitée à délivrer des diplômes correspondants à la confrérie ou à l’acte de dévotion. Les indulgences illustrent l’importance que tient la pénitence dans les consciences des fidèles au XIX ème siècle. En 1887, « la Semaine religieuse » écrit que « le rosaire est un véritable trésor d’indulgences. »

L’Apostolat de la prière est fondé le 3 décembre 1844 par le Révérend Père GAUTRELET, supérieur au scolasticat de la Compagnie de Jésus, à Vals près le Puy.
Le problème de l’apostolat est posé à tous les chrétiens, laïcs et clercs  et les mène à conclure qu’ils ne sont pas vraiment chrétiens s’ils ne sont pas apôtres. Sous l’impulsion du Père TAMIERE, l’apostolat de la prière « associe la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, offrande du travail quotidien et communion fréquente aux intentions des pécheurs ». La paroisse de Sainte Sigolène a été agrégée à l’Apostolat de la prière, le 5 avril 1869. D’après les statuts de l’Association, l’Apostolat de la prière, également appelée « Ligue du Cœur de Jésus, n’est ni une congrégation, ni une confrérie proprement dite mais plutôt une ligue de prière."
L’Evêque du Puy rappelle en 1861 que les fidèles doivent s’attacher surtout par des prières de chaque jour la grâce de Dieu, pour l’Eglise universelle et en particulier pour le Pontife romain. Les associés peuvent gagner une indulgence plénière, le jour de leur réception, le jour de la fête du Sacré-Cœur, le jour de l’Immaculée conception et un vendredi de chaque mois. Le Messager du Cœur de Jésus donne un rayonnement considérable à l’œuvre : « une indulgence de 100 jours est attachée à toutes les prières que les associés offriront, (...) au commencement de chaque mois, dans le Messager du Cœur de Jésus".

« Pour favoriser la piété des fidèles et étendre de plus en plus les pratiques de la Dévotion envers St François d’Assise", le curé Badiou demande au début de la décennie 1880 l’érection à Ste Sigolène du Tiers Ordre séculier de Saint François d’Assise. Le 20 octobre 1883, Mgr LEBRETON installe officiellement cette confrérie dans la paroisse. Une fraternité du Tiers Ordre est une association de fidèles qui s’efforcent, sous la conduite d’un ordre et selon son esprit à tendre à la perfection chrétienne, d’une manière adaptée à la vie séculière et approuvée par le Siège Apostolique.

Le réseau des confréries paroissiales s’articule en grande partie autour d’œuvres de sanctification et de piété. La paroisse de Ste Sigolène a aussi abrité des œuvres de préservation et de formation morale.

 


B- La congrégation des hommes et des

jeunes gens



Dans la deuxième moitié du XIX ème siècle, la paroisse de Ste Sigolène projette d’ériger la congrégation des hommes et des jeunes gens :

« La fin principale qu’on s’est proposée en formant la congrégation a été de solliciter, de nourrir et d’accroître parmi les congréganistes le zèle de la solide piété, de faire revivre parmi les peuples les vertus de la primitive église, de mettre les membres de la congrégation sous la protection spéciale de la Très Sainte Mère de Dieu. »
Les congrégations mariales d’hommes et de jeunes gens, dont l’origine remonte aux collèges jésuites sont des vecteurs de l’apostolat des laïcs. Etant reconnu que les hommes sont portés moins naturellement que les femmes vers la piété, la congrégation a pour dessein « de s’aider mutuellement à pratiquer avec plus de fidélité les devoirs de la vie chrétienne. » Comme toute association, une structure hiérarchique est instaurée : un président, deux vice-présidents, entre dix et vingt conseillers, un trésorier, ... L’association jouit d’une certaine autonomie mais reste liée à la paroisse de Ste Sigolène : « Les congréganistes doivent se distinguer par un véritable zèle pour la gloire de Dieu, l’honneur de Marie et l’édification de la paroisse. » Elle a pour objectif de moraliser la société villageoise : « Ils fuiront avec le plus grand soin les divertissements dangereux, ils éviteront les lectures immorales, ne se permettront ni les mauvais discours ni les chansons obscènes. » Si un des associés déroge à la ligne de conduite, le bureau peut recourir à trois moyens de répression. : l’admonition secrète, la suspension et en dernier recours, l’exclusion. L’importance de la structure familiale transparaît à travers  les statuts de la congrégation. Les chefs de famille doivent garantir l’instruction et la bonne conduite de leurs enfants. Ces derniers «doivent le respect et la soumission envers leurs parents, l’accord avec leurs frères et leurs sœurs. »
Dévotion, moralisation  et esprit de famille sont donc les piliers de la congrégation des hommes et jeunes gens.
La vitalité de cette confrérie à Sainte Sigolène semble peu démonstrative. La conservation des statuts aux archives paroissiales montre qu’il y a eu une réelle volonté d’instituer cette œuvre pieuse à Sainte Sigolène mais nous n’avons pas pu prouver son implantation effective. L’Echo paroissial dont le premier numéro date de 1906, ne mentionne jamais l’existence ou même la présence de la confrérie dans les processions ou la vie paroissiale.

Le XIX ème siècle marque le renouveau de la piété mariale. Si la statuaire de l’église illustre déjà cette orientation, l’essor des confréries et notamment celle de Notre Dame du Perpétuel Secours, assure une forte présence de la Vierge Marie dans la paroisse.



C- La dévotion mariale : l’exemple de

l’archiconfrérie de Notre Dame du Perpétuel

Secours

Avant d’étudier la piété mariale à travers le prisme de l’Archiconfrérie de Notre Dame du Perpétuel Secours, il faut considérer les autres associations de laïcs dévouées au culte de la Vierge.

Avec l’essor des congrégations féminines vouées à l’enseignement, la vie associative féminine se traduit par la création de congrégations mariales, en particulier, des Enfants de Marie. Avec la poussée janséniste et l’interdiction des jésuites, ces congrégations avaient été supprimées. Les pensionnats des dames du Sacré-Cœur de Madeleine Sophie BARAT favorisent leur renaissance au XIX ème siècle. L’Enfant de Marie devient le modèle de piété et de rigueur morale proposé aux enfants de la paroisse. « Invité à mépriser le monde, à se vêtir avec modestie, elle ne connaît que deux chemins, celui de la maison paternelle et celui de l’église. » Elles sont pleinement associées à la vie paroissiale pour l’entretien de l’autel et participent aux processions sous leur voile blanc, symbole de pureté et de virginité. En 1906, les Enfants de Marie, aussi appelées jeunes filles de la Sainte Vierge, sont au nombre de 500. Cette congrégation « qui existe depuis fort longtemps » s’engage à « donner aux filles de bons conseils et de bons exemples. »
Le 21 juillet 1840, le curé Menut installe ‘l’Archiconfrérie du Très-Saint-Sacrement et Immaculée Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs qu’il fit affilier à celle de Notre Dame des Victoires. Cette dévotion mariale avec celle de Saint Austrégésile, fait de Sainte Sigolène un lieu de pèlerinages ; mais l’implantation d’une nouvelle confrérie en 1885 confère à la paroisse une grande renommée dans l’arrondissement et dans tout le diocèse.
Le 9 juin 1885, l’évêque du Puy approuve les statuts d’une nouvelle organisation pieuse à Sainte Sigolène : l’Archiconfrérie de Notre dame du Perpétuel Secours. La naissance de cette confrérie illustre le renouveau du culte marial et imprime définitivement dans l’espace sacré paroissial la dévotion à la Vierge Marie :

« Jamais épigraphe ne fut plus facile à justifier. Il est peu d’église où l’image de la Vierge soit prodiguée avec autant de profusion et de luxe que dans celle de Sainte Sigolène. Ici, c’est Notre Dame de Piété ou des Sept Douleurs dont le culte est à l’honneur dans la paroisse de temps immémorial ; là, dans la chapelle spécialement consacrée à la Mère de Dieu, Notre Dame de l’Assomption ou de la Prière. A l’entrée du sanctuaire, du côté de l’épître, Marie enfant, aux pied de sainte Anne et qui semble en faire l’église de Marie (domus Mariae), celle qui fixe le plus les regards et devant laquelle les fidèles viennent s’agenouiller avec dévotion et confiance, c’est la sainte image de Notre Dame du Perpétuel Secours bénite par sa Sainteté Léon XIII, enrichie de plusieurs indulgences et solennellement inaugurée le 10 mai 1885. »

Le dessein de cette confrérie « est d’honorer par un culte spécial et quotidien la très-Sainte Vierge sous le titre de Notre Dame du Perpétuel Secours et par là s’assurer la perpétuité de son secours maternel."  Le culte repose sur la « Sainte Image » de la Vierge. Le 8 septembre 1886, lors de la consécration de l’autel de Notre Dame du Perpétuel Secours l’abbé ARSAC, professeur au petit séminaire de Monistrol/Loire, explique le symbolisme du tableau : « L’effroi de l’Enfant Jésus qui s’est réfugié sur les genoux de sa mère et la vue des instruments de la Passion offerts à ses regards par les anges ; la tristesse que cause à Marie ce douloureux spectacle (...). » Les associés « doivent visiter la Sainte-Image exposée dans l’église à la vénération publique, en avoir une image dans leur maison et porter sur eux une de ses médailles. » Cette dévotion personnelle est donc vécue au quotidien et échappe à la dimension collective des cultes locaux. Le port d’images et de médailles représentant Marie n’est pas sans rappeler les médailles miraculeuses qui prolifèrent après l’apparition de la Vierge Marie à Marie LABOURE dans la rue du Bac à Paris (1830). Le succès de l’Archiconfrérie de Notre Dame du Perpétuel Secours à Sainte Sigolène s’inscrit dans un contexte bien particulier : de 1830 à 1876, le cycle des apparitions mariales en France provoque une inflexion de la piété à travers l’image aimante de la Vierge. La proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1854 participe également à ce mouvement.

Marie devient sans contexte la médiatrice privilégiée entre les individus et Dieu. D’après les bulletins annuels de l’Archiconfrérie (1886 – 1887) et quelques articles parus dans la « Semaine Religieuse », un véritable engouement entoure le culte de Notre Dame du Perpétuel Secours :
« Depuis ce jour mémorable (bénédiction par le pape Léon XII de la (Sainte-Image), des lampes n’ont jamais cessé de brûler aux pieds de la Madone. Les ex-voto, fixés au monument témoignent des grâces obtenues par sa puissante intervention. On ne comptera plus bientôt les boucles d’oreille, les épingles, chaînes, sautoirs, montres qui sont généreusement disposés, ou pour obtenir une grâce, ou en reconnaissance du bienfait reçu. Plusieurs fois par semaine, des messes sont célébrées à l’autel de Notre Dame du Perpétuel Secours. »

En 1886, 500 pèlerins sont venus de l’arrondissement d’Yssingeaux , voire du diocèse du Puy, pour «prendre part à la célébration du premier anniversaire de l’inauguration du tableau.» En 1887, le nombre de pèlerins s’élèverait à plus de 1000. Si au fil des années ce pèlerinage est de plus en plus florissant, ceci est dû au fait que la population et le clergé paroissial attribuent à l’intercession de Notre Dame du Perpétuel Secours de nombreuse « grâces ». Guérisons et autres faveurs divines auraient été accordées par « la maternelle médiation de la nouvelle Madone. » L’empressement autour du nouveau culte révèle l’orientation des fidèles vers une foi sensible. En 1906, l’Echo paroissial regrette ardemment que les Sigolénois se détournent du culte de Saint Austrégésile au seul profit de Notre Dame du Perpétuel Secours : pour un temps, une dévotion en chasse une autre.

Typique d’une religiosité baroque et ostentatoire, la confrérie des Pénitents du Saint-Sacrement quant à elle agrège en son sein des laïcs dont l’inspiration et le rôle sont religieux.

 


II- Une religiosité baroque : Les

Pénitents blancs de Sainte

Sigolène

 

 

A- La confrérie de Sainte Sigolène : des

Pénitents et des Pénitentes.

 

Depuis la fin du XVIème siècle, le diocèse du Puy a vu se multiplier sur ses terres des confréries des Pénitents. Ces associations d'âmes pieuses peuvent être considérées comme des héritières directes des confréries du Moyen-Âge. Le mouvement pénitentiel semble naître officiellement en Italie au XIII ème siècle avec la création des "Recommandées de la Vierge" (1264). D'Italie, le mouvement gagne l'Espagne et la France (XIII ème siècle en Avignon). Le foisonnement des associations pénitentielles date des guerres de Religion et du temps de la Contre-Réforme. A cette époque, l'essaimage des confréries urbaines vers les campagnes environnantes s'intensifient. Maurice Agulhon souligne "la méridionalité du phénomène". Les Pénitents caractérisent les anciens pays d'Oc : on les trouve principalement en Provence, en Languedoc, dans le Limousin et le Roussilon, dans les Alpes et le Massif Central. Le préfet de la Haute-Loire écrit en 1810 : "les confréries de Pénitents ont dans tous les temps été forts nombreuses et en particulier dans la partie cyvenant du Velay".
 

On ne connaît pas précisément la date de fondation de la confrérie de Sainte Sigolène mais on la rattache à celle des confréries alentour des années 1630 - 1650. Il est certain qu'elle existait en 1682, puisqu'à cette date, le testament du curé Marcon faisait part d'une donation aux Pénitents blancs. Le 3 avril 1821, la "confrérie du Très Saint Scacrement érigée de temps immémorial à Sainte Sigolène, est reconnue par l'évêque de St Flour. D'après les rapports du sous-préfet d'Yssingeaux, la confrérie de Sainte Sigolène était forte de 140 membres en 1810. Les archives privées des Pénitents, en particulier les listes nominatives, nous permettent de glaner de précieux renseignements quant à la vitalité de l'association locale. On s'aperçoit notamment de la diversité sociale des membres de la société : en 1822, on peut remarquer de nombreux cultivateurs mais aussi 4 maréchaux-ferrants et deux charrons. Un tailleur d'habits, des tisseurs, des passementiers et des cadreurs de soie adhèrent également à la confrérie. La liste nominative mentionne également le notaire, Jacinthe Bonnet, ce qui montre que des personnes d'origine sociale plus élevée s'inscrivaient aussi dans les mouvements pénitentiels. Pour être intégré à l'association pieuse, il fallait que le postulant soit marié. Cette condition n'était pas reportée dans les statuts mais était rigoureusement mise en application.

Aux listes nominatives d'hommes, s'ajoutent des listes de femmes, fait qui n'est relevé aujourd'hui qu'à Langeac. Contrairement à cette dernière, la branche féminine résiste ou apparaît après la période révolutionnaire. Les statuts de la confrérie sigolénoise ne nous informent nullement sur le rôle des femmes dans la confrérie. Même si elles semblent disparaître de l'association vers la fin du XIX ème siècle, leur affiliation à la branche masculine illustre l'omniprésence des femmes dans le fit religieux.

 

AnnéesPénitentsPénitentesTotal
1810140 140
183210082182
184210475179
18559470164
187768 68
188479 79
189493 93
190392 92
1906131 131

 

Evolution du nombre de Pénitents et Pénitentes à Sainte Ssigolène de 1810 à 1906.

 

Avant la Révolution, l'adhésion à la confrérie était un fait de coutume autant que de dévotion. Au XIX ème siècle, si les Pénitents n'agrègent plus la totalité de la population, l'engagement semble plus réfléchi. Le tableau ci-dessus montre les fluctuations de la confrérie des Pénitents : hormis la chute des effectifs due à la guerre de 1870, les associés se maintiennenet au long du XIX ème siècle autour d'un centaine de membres. De 1903 à 1905, on observe un recrutement exceptionnel : en 1905, la confrérie enregistre plus de 35 demandes d'admission. Cette vague d'adhésion massive illustre certainement une stratégie de défense des catholiques face à la loi de Séparation de l'Eglise et de l'Etat.

 

B- Le chrétien exemplaire : entre pénitence

et moralisation de la société

 

Les statuts des Pénitents ne sont pas partout les mêmes car les confréries naissent d'aspirations et d'évènements divers. Il existe assurément un grand fossé entre la petite confrérie rurale qui agrège en son sein une grande partie des paroissiens et les compagnies urbaines richement dotées comme à Nice. Dévotion, moralisation et pratique du devoir de charité, tels étaient les objectifs de l'institution des Pénitents. D'après le Semaine Religieuse, "L'objet de l'institution est avant tout la pénitence" :

"Exciter, développer dans l'âme des confrères et dans le cœur du prochain le sentiment et le respect des fautes commises ; s'efforcer d'obtenir de la miséricorde de Dieu la rémission des péchés et la pitié pour les crimes ; poursuivre ce but par tous les moyens que la religion met au service des chrétiens : la prière, la mortification, l'obéissance, le charité, ...."

 

Pour récompenser le zèle des Pénitents, les souverains pontifs leur ont accordé de nombreuses indulgences : il reçoivent des indulgences plénières le jour de la réception, le jour de Sainte Luce et à l'article de la mort.

En théorie, les Pénitents étaient tous égaux et élisaient démocratiquement leurs dignitaires. Ce principe d'églité se marque concrètement par le port de l'habit du Pénitent : pour défiler en public lors des cérémonies religieuses, ils revêtent une aube, dénommée également "sac", surmontée d'une cagoule precée seulement pour les deux yeux. Ainsi se dissimulent les habits civils marqués par l'appartennance sociale. Devant  la multiplicité des confréries, on désignait les Pénitents par la couleur de leur "sac" à laquelle ont attachait un sens hautement symbolique. Les Pénitents blancs de Sainte Sigolène représentent l'innocence et la pureté de la vie chrétienne.

 

Néanmoins cette volonté d'équité n'était parfois que de façade. Le déroulement de la procession du Vendredi Saint, manifestation la plus démonstrative de l'activité des Pénitents le montre bien. Tout un cérémonial entoure la préparation de la procession.  Jusqu'au milieu du XX ème siècle, les Pénitents organisaient des enchères pour désigner les porteurs de certains instruments de la Passion. La grande croix, également appelée Croix du Sauveur, suscitait le plus d'engouement. La Sainte Colonne, la Sainte Face, les trois clous, la couronne d'épine, le Calice, les deux fouets et le panneau Ecché Homo étaient également poussés aux enchères. Certains Pénitents, plus aisés financièrement, poussaient les enchères très haut pour avoir l'honneur de porter la croix .

 

Si la raison d'être des Pénitents est la rédemption et la dévotion, les confrères se doivent d'acomplir des actes de charité. De toutes les obligations de charité, la principale et la mieux réglée était celle qui s'exerçait à l'occasion des obsèques d'un confrère :

"La sépulture étant le dernier devoir et la dernière preuve d'amitié et de charité que nous pouvons donner à nos amis et à nos proches, tous les confères s'empressent de rendre ce dernier office à un confrère décédé, en assistant à ses obsèques, et en l'accompagnant à sa dernière demeure. (...) Le corbillard de première classe sera gratuit pout tout membre de la confrérie, pour sa femme, pour les endants non mariés, au-dessus de 15 ans".

 

Les Pénitents portaient en terre leur confrère et ,"le troisième dimanche du mois qui suit les funérailles, la grand-messe sera chantée pour le repos de son âme et cela moyennant la somme de deux francs que le trésorier devra verser au curé de la paroisse". Comme le note Maurice Agulhon, "l'image des Pénitents est à peu près inséparable de la mort." Il faut attndre 1909 pour que les Pénitents s'organisent en société de secours mutuel. Chaque Pénitent atteint d'une grave maladie recevait 1 franc pendant 20 jours.

 

Les statuts des Pénitents sont conçus à l'origine comme un frein à l'immoralité publique. Les Pénitents doivent  démontrer toute l'exemplarité de la vie d'un "bon catholique".

Leurs statuts leur imposent :

de "faire profession d'une piété et d'une dévotion plus grande que le reste des Chrétiens, non seulement s'attacheront inviolablement à l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, mais encore ils s'ingénieront à mettre en pratique les conseils de l'Evangile, soit par la charité qu'ils pratiqueront entre eux, soit par la modestie et la douceur avec lesquelles ils se comporteront dans toutes leurs actions, de façon qu'ils puissent servir d'exemple à tous leurs voisins et de modèles à toute la paroisse".

On peut lire dans le "bréviaire de la confrérie des Pénitents blancs de Saint-Laurent-les-Grenoble", vraisemblablement en usage à Sainte Sigolène que :

"les confrères fuiront tous les lieux et les compagnies où ils pourraient donner ou recevoir du scandale, tels que les cabarets et autres lieux de débauche. Et si quelque confrère perdait la raison par excès de boisson, il sera excusé une première fois comme étant surpris par le vin. Il sera suspendu la deuxième fois pour six mois, et la troisième fois, il sera chassé de la confrérie et perdra tous ses privilèges".

La confrérie apparaît donc comme un lieu propice à la régulation sociale. Mais la bonne tenue des confrères est loin de faire l'unanimité.

En 1810, le sous-préfet d'Yssingeaux ne voit pas "l'intérêt de maintenir une confrérie (...) qui dans plusieurs localités n'est qu'une réunion d'ivrognes, qui au sortir de leur office vont boire toute la journée." Cette idée que les Pénitents abusaient après la procession du vin chaud servi avec une tranche de pain se retrouve dans le roman "Ceux d'Auvergne", de l'écrivain Henri Pourrat : "Partout par là il y avait naguère des Pénitents blancs. Blancs le matin, disaient les méchants et gris le soir."

Dans la visite pastorale de 1893, le curé Badiou évoque la moralité médiocre des 80 Pénitents de la localité.

Au cours du XIX ème siècle, la confrérie paroissiale offrait au même titre que les cabarets, un des seuls lieux de rencontres et de sociabilité pour les habitants du village.

 

 

C- Le mythe du "pénitent terroriste"

 

Au début du XIX ème siècle , les libéraux ont largement répandu "le mythe du Pénitent terroriste". En 1810, pour d'Authier de Saint Sauveur, sous-préfet d'Yssingeaux et membre de la loge maçonnique des "Vrais Amis ", le Pénitent est un être qui se dissimule sous un masque et qui se manifeste dans une atmosphère funèbre. Dénonçant le goût outrancier du costume et l'ostentation de leur procession, il met en garde le gouvernement contre les confrères du St Sacrement :

"Si le gouvernement croyait pouvoir tolérer cette confrérie, qu'il lui interdise au moins le capuchon qui rend méconnaissables même entre eux les individus qui en sont couverts. Comme on y agrège tous ceux qui se présentent sans distinction, ne peut-il pas arriver (et ce n'est pas sans exemple) qu'un scélérat, dans une réunion ou une procession, commette un assassinat et se mêle dans la foule de ses confrères sans pouvoir être reconnu."

La piété démonstrative, ostentatoire et baroque qui caractérise la procession du jeudi saint est souvent critiquée par les autorités civiles. Le préfet de la Haute-Loire, même s'il reconnaît le rôle charitable que jouent les Pénitents, montre lui aussi du doigt le problème d'anonymat et de décence que pose le port de l'habit du Pénitent :

"(...) il importe de la dignité de la religion et du bon ordre que ce capuchon ou sac soit supprimé et que les Pénitents conservent la figure découverte. C'est le vœu de tous les hommes de loi ; c'est le moyen de rendre à ces confréries le devoir de décence et de régularité qui doivent les distinguer."

 

A côté de ce réseau de confréries, les œuvres pastorales constituent l'autre voie pour les fidèles de s'investir dans la vie pastorale.

 

 

III- Les œuvres pastorales

 

Depuis le XIX ème siècle, on qualifie d'œuvres pastorales, toutes les institutions à visée charitable et sociale, nées d'initiatives privées, paroissiales ou diocésaines. L'abondance d'œuvres pastorales au début du XX ème siècle caractérise la volonté du clergé paroissial d'encadrer les fidèles, notamment les plus jeunes par le biais des patronnages.

 

A- Un catholicisme marqué par

la multiplication des associations féminines.

 

Au cours du XIX ème siècle, de nombreux auteurs, catholiques comme laïcs, évoquent le "devoir social" de la femme. Selon Sylvie Fayet-Scribe, "traditionnellement, la charité (source même du salut) doit être exercée par la femme chrétienne". Pour la gente féminine catholique issues des classes élevées de la société, l'exercice de la charité se traduit par une aide matérielle et spirituelle auprès des pauvres. A Sainte Sigolène, l'association des Dames de la Charité, forte de 24 membres, s'est fixé cet objectif depuis sa fondation en 1824 :

"Ces dames s'informent des besoins spirituels et  temporels de leur district, en font leur rapport aux officiers ou au curé ... Elles se réunissent tous les premiers vendredis du mois après la messe qui se dit dans la chapelle du Sacré-Cœur ; elles ont pour patron St François Régis."

Très tôt, l'existence des associations féminines caractérise le catholicisme social. Grâce à leurs dons et à leurs collecte, les Dames de la Charité prennent en charge les familles démunies de la paroisse et "les pauvres honteux" : elles leur offrent couverture, nourriture et réconfort moral. Cette assciation peut être considérée comme l'ancêtre du Bureau de Bienfaisance à Sainte Sigolène. C'est donc par l'Eglise et ses œuvres que certaines femmes sortent du giron familial. Les associations sont établies sur le modèle hiérarchique et leur fonctionnement suppose le soutien des notables. Madame Dugas du Villard et madame Durieu, épouses des maires de Ste Sigolène, sont à la tête de ce mouvement destiné aux pauvres de la paroisse. L'action sociale est une manière pour ses femmes d'accomplir et de pratiquer une morale chrétienne. La prépondérance féminine dans ces œuvres pastorales contribue aussi à la reconnaissance du statut des femmes dans la société. Derrière la femme, il y a toujours la mère.

 

La congrégation des mères de famille groupe en 1893, 400 membres. Les mères de famille sont considérées comme "le cœur de la paroisse idéale" :"Quand elle n'est pas chrétienne, la mère dissout le foyer domestique. Quand elle est chrétienne, la femme sauve le foyer. (...) Le rôle des femmes est souvainerant important." Depuis la Révolution, les femmes sont appelées à jouer un rôle croissant dans la société.

A l'œuvre paroissiale s'ajoutent des organisations de type national.

 

B- Les œuvres de rang national

 

La visite pastorale de 1893 répertorie également l'œuvre des Séminaires, de la Propagation de la Foi,  de la Sainte Enfance et celle de St François de Sales.

Le XIX ème siècle est marqué par un renouveau missionnaire.  L'association de prière pour la Propagation de la Foi, fondée en 1816 au séminaire des Missions étrangères, est transformée en 1822 par une bourgeoise lyonnaise, Pauline Jaricot. Ce groupe a pour but de soutenir les missionnaires catholiques. Elle assure par le biais du bulletin de l'œuvre, les Annales, la diffusion de l'esprit missionnaire.

L'œuvre de la Sainte Enfance est fondée en 1843 par Mgr de Forbin-Janson (ancien évêque de Nancy) a pour devise ce mot de Jésus à ses apôtres : "Si vous ne devenez comme des petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume de Dieu". La marque de leur engagement est symbolisée par "une petite couronne ou chapelet, composée de 15 grains, qu'ils diront, autant que possible, tous les jours". Elle est instituée à Ste Sigolène le 15 mars 1876. Cette œuvre pontificale s'attache à répandre l'idée missionnaire chez les jeunes paroissiens et à les habituer à prier pour les missions.

 

L'œuvre de St François de Sales est fondée en 1857 par Mgr de Ségur et placée sous la juridiction pontificale. Cette association distribue des secours aux écoles ainsi que des objets de piété aux paroisses pauvres.

Pour s'adapter aux besoins d'éducation qui se manifeste sous Secon Empire mais également pour résister aux assauts de la lïcisation, l'Eglise s'évertue à développer des patronnages.

 

C- L'encadrement par le patronnage.

Vers la fin du XIX ème siècle, des œuvres para-éducatives sont associées à l'école. Les patronnages façonnent une double image du prêtre : à son statut traditionnel de pasteur s'ajoute celui de pédagogue.

 

1- Un début de siècle foisonnant

 

Avec la montée de l'anticléricalisme et la Séparation de l'Eglise et de l'Etat, le patronnage occupe une place essentiel dans le dispositif de défense religieuse. A Sainte Sigolène, les artisans de cette œuvre de préservation et d'éducation populaire font partie de la nouvelle équipe sacerdotale qui investit la paroisse en 1903. Pour l'abbé Morel et l'abbé Chabanis, initiateurs du réseau de patronnages   :

"Notre œuvres des patronnages n'est pas seulement un abri où les jeunes gens viennent se réfugier dans les mauvais temps où nous sommes (...). L'œuvre est une maison de formation, d'éducation où l'on apprend à devenir véritablement des hommes, des vrais et des solides chrétiens, et qui dit chrétiens dit apôtres. Un jeune homme faisant partie de nos cercles doit être un soleil vivant qui éclaire, chauffe et fait du bien."

Le patronnage est avant tout un moyen de préserver la Foi et de cultiver l'apostolat. Le Petit patronnage est fondé en 1905. Plus de 100 jeunes de 12 à 16 ans sont agrégés à cette association dont l'objectif est : "Distraire et moraliser, préserver et conserver". En 1905, les congrégations de St Louis de Gonzague et des Saints Anges groupent respectivement les garçons et les filles qui viennent d'accomplir leur première comunion. Chaque patronnage est soumis à la direction spirituelle d'un aumônier ou directeur, qui est la plupart du temps un des vicaires de la paroisse;

Dès lors que le patronnage paroissial existe, il est naturel de chercher à consolider l'œuvre en touchant un public plus âgé, avide de savoirs et de divertissements.

 

2- La prise en charge des loisirs

 

Dès les origines, les patronnages organisent des conférences, orchestrées par l'aumônier ou un laïc spécialement invité pour faire l'éducation morale des jeunes. Des "causeries contradictoires", sur un sujet historique ou religieux sont programmées. Le Grand Patronnage des jeunes gens (fondé en 1903) et le Cercle d'études (fondé en 1904) organisent ce type de réunions didactiques. Un avocat de St Etienne, monsieur Mazodier tient des conférences annuelles à Ste Sigolène. Chaque membre participe à l'animation des soirées. Pour éviter les erreurs, une bibliothèque est mise à disposition des jeunes orateurs. L'attrait des projections lumineuses confère un engouement certain à ces assemblées.

Pour Gérard Cholvy, "le patronnage est un lieu de sociabilité récréative." Pour les jeunes paroissiens, le patronnage associe l'éducation chrétienne et les loisirs. Les tambours et les clairons des patronnages, dirigés par monsieur Giraudon, participent aux sorties des Cercles de jeunes gens et réhaussent les cérémonies du culte et les processions. Le patronnage développe également l'activité théatrale. Le répertoire est très éclectique. Les représentations s'inspirent d'œuvres locales, "Maurin", ou du répertoire classique. Une "farce judiciaire" intitulée "Le Homard et les Plaideurs" est jouée en 1906. Le théatre religieux est ausi à l'honneur. En 1909, le Cercle catholique joue la "Passion de Jésus-Christ", grand drame en 14 tableaux. Cette représentation survivra longtemps car elle se jouait encore dans la paroisse vers 1950.

Avec la musique et le théatre, le sport attire beaucoup de jeunes dans les patronnages. Ainsi, la pratique permet le maintien dans l'orbite religieuse des jeunes que le spirituel ou les débats d'idées n'auraient pas captivés.

En 1902, le clergé paroissial fonde l'Avant Garde : c'est un fait d'époque puisqu'à St Pal de Mons est créée la Vigilante, à Dunières, la Laborieuse et à La Séauve, l'Intrépide.  Football puis gymnastique sont proposés aux jeunes Sigolénois, ce qui montre l'option "populiste" prise par le clegé paroissial.

L'ambition des patronnages est de garder le plus longtemps possible les enfants et les adolescents dans le giron de l'Eglise; L'abbé Chabanis se soucie également des hommes et constitue en 1906 un cercle qui leur est destiné.

 

3- La fondation du Cercle des hommes : 1909

 

En 1906, l'abbé Chabanis écrit dans l'Echo paroissial : "la portion viril du troupeau n'est plus dans  la bergerie. Il faut reconquérir les hommes. L'homme est l'être fort (...) Pour être fort, il faut avoir l'homme à la tête de la paroisse." Fondé en 1906, le Cercle d'hommes "vise à instruire, dissiper les préjugés, réduire à néant les calomnies et réfuter les mensonges qu'une presse imbécile et sectaire répand chaque jour avec profusion contre la patrie, la morale et la religion."

Tous les quinze jours, des conférences contradictoires sont organisées. Un membre de l'association peut devenir  l'orateur d'un soir : en décembre 1906, Pétrus Fayard anime une réunion sur un sujet proprement local, l'industrie de la soie dans le Velay. D'autres conférences ont poiur thèmes les martyrs ou l'ordre moral.

L'équipe sacerdotale de Ste Sigolène veille à mieux associer les hommes à la structure paroissiale. En 1906, une association scolaire des pères de famille se constitue en vue "de créer et d'entretenir les écoles primaires libres, les patronnages, les cercles, les bibliothèques." Pour le clergé paroissial, le "soutien financier et moral des écoles libres et des œuvres péri-scolaires est l'œuvre capitale".

Le XIX ème siècle a été, en France comme ailleurs, le siècle des œuvres en tous genres. Pour Michel Lagrée, il s'est constitué "un tissu d'œuvres qui peuvent former pour certains un cadre de vie, une subculture catholique, pratiquement du berceau à la tombe."

L'adhésion profonde des habitants aux dogmes et aux rites catholiques illustre la foi des campagnes du Velay oriental. Il est tentant de reprendre pour la paroisse de Sainte Sigolène, le constat dressé par Philippe Boutry pour les campagnes de l'Ain : "De la pratique des sacrement, au culte des saints du terroir, le fidèle (...) participe dans le même temps à l'universalité des rites de l'Eglise catholique et à la particularité des dévotions de localité."

Des formes de dévotions individuelles et collectives se développent, conformément aux prescriptions émanant de la papauté. Pour l'Eglise, la religion est l'essence même de l'existence humaine. Pour s'assurer que les paroissiens vivent dans une terre de chrétienté, le clergé combat les activités profanes et les "nouveautés du siècle" qui tentent à éloigner les habitants de la sanctification. Dès lors le réseau de sociabilité religieuse à Sainte Sigolène se renforce : œuvres charitables, confréries et patronnages agrègent une grande partie de la population. En 1906, l'abbé Chabanis écrit : "Si l'on juge une paroisse d'après la multiplicité et la vitalité de ses œuvres qui y fonctionnent (...), nous n'avons rien à envier aux grandes paroisses. " Par le credo et les œuvres, le catholicisme offre aux paroissiens le moyen de ganger le Salut éternel. La fidélité séculaire des femmes à l'Eglise apparaît comme le ciment de la foi.

 

Le monopole de l'Eglise sur l'assistance et l'enseignement s'exerce durant tout le XIX ème siècle. Si le clergé paroissial est libre de mener son action caritative, l'Etat républicain vient lui contester la prédominance de l'instruction. Malgré la sécularisation et l'anticléricalisme ambiant, Sainte Sigolène reste une terre de permanence grâce à l'ancrage du fait religieux dans la paroisse et aux efforts décuplés des prêtres pour battre en brèche les vecteurs de la déchristianisation.