Chapitre 1 : L'Eglise, centre social du village — Ensemble Paroissial Saint-Joseph en Velay

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Chapitre 1 : L'Eglise, centre social du village

1- Soeurs de la Croix et de St Joseph
L'exclusivité de l'assistance collective demeure depuis le Moyen-âge du ressort de la paroisse. Bien que les revenus paroissiaux ne permettent plus aux desservants d'assurer ces offices, les institutions caritatives passent sous le contrôle de la communauté des fidèles et des congrégations.

2- Le Bureau de Bienfaisance
S'occuper des indigents a toujours fait partie des préceptes évangéliques.

Au cours du XIX ème siècle, l'Eglise doit relever des défis de nature différente. Fidèle à sa mission d'enseignement et d'assistance, l'Eglise tente de maintenir ce monopole en s'appuyant sur l'action des congrégations : les Sœurs de la Coix et de St Joseph. Le secours matériel et spirituel aux indigents ainsi que l'instruction des habitants constituent les chevaux de bataille de la paroisse.
On distinguera donc les activités caritatives et hospitalières de la mission d'instruction déléguée aux congrégations enseignantes.

Même si les idées de liberté de conscience et de laïcisation de l'Etat cheminent dans l'esprit de certains fidèles, l'Yssingelais demeure en partie hostile à la République. L'établissement du suffrage universel en 1848 et la renaissance progressive des débats idéologiques "précipitent l'assimilation des opinions religieuses à des options sociales et politiques et à la constitution de partis violemment antagonistes.". Comme le fait remarquer Philippe Boutry, "les croyances ne rassemblent plus mais divisent." La capacité "d'optimisation" de la religion, c'est-à-dire sa capacité de donner de l'unité à l'exisence, va-t-elle être bouleversée avec l'application des lois laïques et la Séparation de l'Eglise et de l'Etat ? La perspective de "l'ouverture des tabernacles" suscite dans les régions de chrétienté, comme la Bretagne, la Flandre ou le Sud du Massif Central, de violents affrontements. Point de rencontre entre le politique et le religieux, ces manifestations permettent de définir une forme particulière de sensibilité religieuse.

Au terme de cette étude, une question se pose : comment être croyant dans une société en voie de sécularisation ?

 

I- Les Sœurs de la Croix

 

Fort d'une vision utilitariste de la religion, le Concordat entend faire du clergé un des garants de l'ordre moral. Si les ordres religieux contemplatifs n'ont pas leur place dans le dispositif concordataire, les congrégations complètement inscrites dans le siècle, se voient aménager un statut spécial. Les Congrégations à but charitable comme les Sœurs de la Croix, s'affirment dans les paroisses comme partenaires de choix pour l'assistance.

 

A- Les congrégations : partenaires de choix

del'assistance

 

Pour Claude Langlois, les femmes, et particulièrement les congréganistes, jouent un rôle particulièrement important dans "l'économie du salut" et l'exercice de la charité. Le XIX ème siècle ajoute à l'encadrement catholique traditionnel des confréries un modèle nouveau de sociabilité féminine dans l'Eglise : "la bonne sœur". Les femmes souhaitant entrer en religion peuvent soit intégrer un ordre religieux où prédominent la contemplation et la prière, soit rejoindre les congrégations qui leur permettent de s'engager dans le siècle et d'évoluer sur le terrain social.

Les congrégations féminines qui s'implantent à Sainte Sigolène ne sont pas issues de la vague de fondation des congrégations qui caractérisent le XIX ème siècle. Les Sœurs de la Croix, installées depuis le début du XIX ème siècle dans la paroisse, se sont constituées en congrégation dès 1651. Soutenue par Pierre Guérin, curé de Roye, Marie de Villeneuve donne naissance à deux congrégations enseignantes : les Filles de la Croix (fondée sur le modèle des Visitadines) et les Sœurs de la Croix, congrégation fondée en 1672.

 

Les Sœurs de St Joseph, dont la présence est attestée sur le sol sigolénois depuis 1682, sont reconnues en 1818 par la municipalité "d'une grande utilité pour la commune". Elles prennent en charge l'entretien de l'église paroissiale : "cette association prend soin des ornements de l'église catholique, fait blanchir le linge et entretenir la lampe du Saint Sacrement". La délibération municipale datée du 9 janvier 1818 témoigne également de l'action de la congrégation sur le champ social : "cette assciation se voue particulièrement à visiter les malades de la commune et principalement les malheureux et qu'elles procurent soit par les quêtes ou autrement, le linge qui leur est nécessaire et leur font fournir les comestbles en égard à leurs infimités, ont le plus grand soin de se livrer à des pansements toujours nécessaires au malheur. (...) c'est l'édification de la religion chrétienne que ces filles quoique non riches, peuvent fournir à quelques besoins aux pauvres indigents n'ayant aucune dette."

 

 

Maison des Soeurs du Christ

 

En 1824, la création de l"hôpital" et l'installation des Sœurs de la Croix permettent aux religieuses de se consacrer à l'enseignement et à l'initiation chrétienne des jeunes paroisiennes. Elles devront "se dévouer au service des malades et devenir les secondes mères des orphelins et des enfants pauvres auxquels elles donneront une éducation chrétienne". Alors que le premier but de l'institution est de procurer un asile aux pauvres, les Sœurs de la Croix s'orientent principalement vers l'enseignement. A cette époque, deux professes et huit novices assurent l'enseignement de 20 enfants de la paroisse.

En 1898, l'évêché commande à l'abbé Arsac un rapport sur le fonctionnement de l'établissement charitable. Il rappelle tout d'abord que l'hospice a été fondé "à frais commun par le curé Menut et des paroissiens qui bâtirent la maison sur un terrain gratuitement mis à la disposition des Sœurs." En 1850, de nombreux dons en nature et en argent permettent "au curé Menut d'acheter quelques propriétés (...) et de les donner à la communauté." L'acte notarié indique que la communauté de la Croix pourra jouir légitimement de ces biens "à condition de donner gratuitement et à perpétuité le logement, la soupe et l'éducation chrétienne à huit pauvres orphelines qui leur seront présentées par la respectable maison du Villard et autres bienfaiteurs." Madame Dugas du Villard avait été à l'origine de cet établissement de charité puisqu'elle avait donné, "à la mort de son fils aîné" plus de 10000 livres pour la maison des orphelines. Les bienfaiteurs ne se contentent pas de doter financièrement l'institut ; ils jouissent également d'un pouvoir d'arbitrage quant à l'évolution de l'asile et au respect de la  mission confiée à la congrégation. Le 27 octobre 1878 l'administration des biens de l'asile est contrôlée par une commission nommée par l'évêque du Puy, où la famille Dugas du Villard et le curé sont expressément associés.

Les Sœurs travaillent de concert avec le Bureau de bienfaisance de Sainte Sigolène. Il incombe notamment à cet organisme communal de "pourvoir à la nourriture et à l'habillement des orphelines". Vers 1860, la congrégation assurait l'instruction à "24 ou 25 enfants du village et 5 ou 6 seulement en été". Même si durant la période hivernale les religieuses offraient à quelques enfants pauvres la soupe, le logement et l'instruction, "l'opinion publique était loin d'y trouver son compte" qui exigeait plus.

En 1867, avec l'installation de Pierre Badiou à la cure de Sainte Sigolène, l'établissement tenu par les congréganistes va se tourner plus particulièrement vers l'accueil hospitalier et charitable.

 

B- De l'asile pour orphelins à l'hospice

 

Dès l'arrivée du curé Badiou, les bienfaiteurs et leurs descendants lui témoignent leur mécontentement s'agissant de la gestion de l'asile : pour eux les intentions des fondateurs n'ont pas été respectées. Le Sœurs n'assuraient qu'une mission éducative et la vocation charitable de l'établissement était passée au second plan. Pour régler ces irrégularités, le curé Badiou en réfère au vicaire général Urbe, supérieur général de la communauté. Après trois jours passés à Sainte Sigolène, il décide d'une réorientation complète de l'asile, plus proche de l'idée initiale qui avait animé le curé Menut et les bienfaiteurs de 1824.

Il impose aux Sœurs d'accueillir "huit orphelines ou 8 pauvres" comme cela était prévu en 1824. Le vicaire général exige de la congrégation qu'elle stope toute activité éducative et qu'elle "transforme la classe en salle pour vieillard et infirmes." Pour procurer des ressources nouvelles, il est projeter "de créer une pharmacie et pour cela d'envoyer une religieuse à Yssingeaux pour apprendre quelques bonnes notions." Lors de la décennie 1870, toutes ces dispositions sont mises en application. Le curé Badiou paie la pension de la sœur qui part pour 18 mois à Yssingeaux. A son retour, la pharmacie se met progressivement en place grâce aux produits des offrandes. Dans une lettre datée de juillet 1976, monsieur Dugas du Villard, maire de Sainte Sigolène, évoque la nouvelle orientation prise par l'établissement. A la fin des années 1860, "les Sœurs de la Croix, sur l'initiative et la prière de monsieur le curé, ont bien voulu recevoir dans leur maison deux ou trois vieillards ou infirmes auxquels elles donnent leurs soins avec le secours de la charité privée qui leur vient en aide au jour le jour.."

On voit que l'action du curé est déterminante dans la réorganisation de cet établissement. Au milieu des années 1870, les Sœurs de la Croix sont au nombre de 14 puisqu'elles doivent aussi assurer des soins à domicile. En Haute Loire il est courant que des communautés dépassent les 10 sœurs. Pour Claude Langlois, ces communautés congréganistes fort élargies constituent "de véritables couvents ruraux".

Au cours du XIX ème siècle, l'Eglise exalte la figure maternelle et insiste sur le rôle des femmes pour l'édification de la famille chrétienne. Après la Révolution, l'œuvre de reconquête religieuse passe par une mobilisation des formes traditionnelles de sociabilité où "la bonne sœur" est destinée à jouer un rôle primordial. C'est par l'action religieuse que les femmes s'inscrivent dans la société et les responsabilités conférées aux supérieures des congrégations ont pu être perçues comme une voie vers l'émancipation.



 

 

 

 

 

 

II- Le bureau de bienfaisance

 

 

S’occuper des pauvres a toujours fait partie des préceptes évangéliques. Dès l’Ancien Régime, on trouve à Ste Sigolène la trace d’un établissement de secours pour les déshérités. En 1862, le curé Marcon lègue à l’institution charitable de Sainte Sigolène « la quantité de seize sestiers de blé et de seigle », destinés « aux pauvres de la paroisse ». Le Bureau de Bienfaisance a pour objet le soulagement financier et matériel des misères. Cet organisme communal procure des secours en argent et en nature (pain, viande, couvertures, vêtements ) aux nécessiteux inscrits sur la liste des indigents de la commune.

 

Jusqu’en 1842, Sainte Sigolène ne dispose pas d’un Bureau de Bienfaisance. En 1812, Jeanne-Marie Goudard lègue une somme de 900 F qu’elle met entre les mains du curé Menut. Elle le charge  de l’exécution des dispositions de dernière volonté à l’égard des pauvres de la commune. Etant donné que la commune de Sainte Sigolène n’est pas pourvue d’un établissement de bienfaisance, c’est le bureau de charité de Monistrol/Loire qui devra faire office de précepteur du don.

Après avoir reçu l’aval préfectoral, la municipalité instaure le Bureau de Bienfaisance au chef-lieu de la commune de Sainte Sigolène le 26 janvier 1842. Le curé fut associé à cette œuvre puisqu’on dénote parmi les membres du bureau la présence du maire Dugas du Villard et du prêtre Menut. L’installation d’une telle structure dans la commune s’avère être d’une impérieuse nécessité. Le 8 septembre 1860, le conseil du Bureau de Bienfaisance expose à la préfecture l’action menée pour répondre aux besoins des indigents de la commune :

 

« Le nombre de pauvres de Sainte Sigolène est de 150, dont 100 mendiants et 50 pauvres honteux. Les modiques ressources du Bureau de Bienfaisance sont employées chaque année à secourir principalement les pauvres honteux. On achète de la toile, du drap à ceux qui sont nus et du pain à ceux qui n’en ont pas et n’osent en demander. »

 

En 1860, les dépenses s’élèvent à 140 francs : 60 F ont été consacrés à « l’achat de draps ou de toiles distribués aux plus nécessiteux », 48 F au « secours à domicile à 4 familles de pauvres honteux et 30 F « à l’éducation de deux pauvres orphelines chez les Sœurs de la Croix ».  Les faiblesses du budget limitent le champ d’action du Bureau qui doit également financer le  placement de deux orphelines dans l’asile des jeunes personnes. C’est pourquoi les membres demandent à l’Etat de leur permettre de percevoir des legs qui sont faits à cet établissement de charité : « Les susdites ressources sont plus qu’insuffisantes pour secourir toutes les misères. Les membres du Bureau de Bienfaisance prient le gouvernement d’accepter le legs de 1000 F fait par feu M. Dugas du Villard. »

 

Pour pouvoir fonctionner, le Bureau de Bienfaisance percevait des taxes municipales. L’ordre de police pris par la municipalité le 25 vendémiaire an XII infligeait à ceux qui fréquentaient les cabarets pendant les offices religieux le versement d’une amende dont la moitié était destinée aux pauvres. Les habitants pris en flagrant délit se voyaient saisir « le pain, vin et eau de vie ou toute autre nourriture qui seront trouvés sur la table » : toutes les confiscations étaient réservées aux indigents.

 

Le rapport de 1860 indique que « le Bureau de Bienfaisance use annuellement d’autres ressources que celles-ci pour secourir les pauvres qui sont en grand nombre lorsqu’il y a chômage dans la rubanerie.. L’appel à la générosité privée et à l’entraide villageoise permettait de renflouer les caisses lorsque les passementiers pâtissaient d’un manque de commande. Pourtant, l’urgence de la situation tendrait à être relativisée par le rapport de l’adjoint du commissaire de police cantonale de Monistrol/Loire .

En avril 1863, l’adjoint de police Poinas livre l’idée qu’il s’est fait de la gestion de l’assitance à Sainte Sigolène. Même s’il est indéniable que des gens sombrent périodiquement dans la  misère, il pense que certains Sigolénois   préfèrent "mendier que travailler » alors que l’agriculture réclame souvent des bras. Il condamne les aumônes faites "sans discernement" par le Bureau de Bienfaisance : selon l’officier Poinas, les secours matériels « ne font qu’entretenir l’oisiveté (...) et doter la mendicité. »

 

Il semble que le Bureau de Bienfaisance s’arrête de fonctionner entre les années 1873 et 1881. Le ralentissement de l’activité rubanière et les rigueurs de la période hivernale relancent l’activité de l’institution charitable. En février 1881, le conseil municipal fait observer :

« que la commune devrait bien avoir comme les autres un Bureau de Bienfaisance qui empêcherait le retour d’inconvénients comme celui qui a existé en 1880, où, pendant l’hiver, la misère s’es fait sentir d’une façon rigoureuse : il y aurait eu lieu de faire quelques distributions de pain et d’argent, ce qui n’a pas pu se faire faute du Bureau de Bienfaisance. »

Le conseil d’administration comprend six membres. Quatre d’entre eux sont nommés par le Préfet et, de son côté, le conseil municipal procède à l’élection des deux autres. Le bureau doit se réunir au moins une fois par mois pour statuer « sur l’emploi des revenus, sur les dépenses, pour fixer le nombre de pauvres honteux, mendiants (...) et pour prononcer les radiations. » En 1881, le conseil élit le curé Badiou et Jean-Antoine Cornillon. Les délibérations municipales attestent que le pasteur de Sainte Sigolène occupa la charge de secrétaire. Il le restera jusqu’à sa  mort en 1902. Depuis sa création, la répartition des responsabilités au sein de cet organisme communal laisse une grande part d’initiative au curé de la paroisse. Un espace d’action sociale s’ouvre alors au desservant. Au-delà de l’exercice de la charité chrétienne, Michel Lagrée pense que la participation du clergé paroissial à des œuvres sociales était un prolongement efficace de la pastorale : « Ventre affamé n’ayant point d’oreilles, il paraît vain de vouloir d’une main poursuivre l’évangélisation des classes populaires sans tenter de l’autre d’améliorer les conditions de l’existence . »

 

Au cours du XIX ème siècle, l’Eglise s’engage sur le plan social pour secourir matériellement les pauvres et les infirmes de Sainte Sigolène. Le pouvoir communal et le clergé paroissial semblent coopérer pour construire les bases d’un réseau d’assistance. A travers l’implantation des congrégations et du Bureau de Bienfaisance, on voit apparaître la figure du directeur des âmes, soucieux que sa pastorale trouve un écho favorable chez les indigents.

 

Les ministres de la religion catholique œuvrent pendant tout le siècle pour garantir à la population villageoise les services d’un enseignement religieux. L’école élémentaire doit être un lieu où l’enfant s’instruit et apprend à respecter les préceptes moraux établis par l’Eglise.